Le 2 octobre 2024, la Police Tchadienne a forcé l’annulation d’une conférence axée sur la justice pour les victimes des abus commis par Hissène Habré, a déclaré Human Rights Watch. La police a également détenu un ancien conseiller juridique de Human Rights Watch, qui devait être l’intervenant principal lors de l’événement.
« Cibler des activistes des droits humains qui demandent justice souligne la gravité des injustices auxquelles font continuellement face les victimes de Hissène Habré », a déclaré Tirana Hassan, directrice exécutive de Human Rights Watch.
«Au lieu d’étouffer les discussions à ce sujet, le gouvernement devrait finaliser le processus de compensation totale aux victimes de Habré qui souffrent depuis longtemps. », poursuit-elle.
La section presse et culturelle de l’ambassade des États-Unis à N’Djamena, en partenariat avec le Centre d’Étude et de Formation pour le Développement (CEFOD), avait organisé cette table ronde.
Les intervenants principaux devaient être Reed Brody, un ancien conseiller juridique et porte-parole de Human Rights Watch qui avait mené le travail de l’organisation sur Hissène Habré, et Jacqueline Moudeina, une éminente militante des droits humains qui a longtemps travaillé sur l’affaire Habré.
Brody était également présent pour discuter de l’édition française de son livre, « La Traque de Hissène Habré : Juger un dictateur dans un monde d’impunité ».
Des policiers sont arrivés au siège du CEFOD à 14h30 le 2 octobre, juste avant le début de la conférence, et ont demandé à Brody de leur remettre son passeport. Un témoin a entendu un policier dire : « Nous allons vous mettre sur un vol pour quitter le pays ce soir ». Les policiers voulaient initialement arrêter Brody et le transporter dans leur véhicule, mais le personnel du CEFOD a pu convaincre les policiers de les laisser conduire Brody eux-mêmes à la Direction générale du renseignement et de l’investigation (DGRI), en les suivant dans leur propre voiture.
À la DGRI, Brody a été interrogé pendant environ deux heures sur les raisons l’ayant poussé à ne pas demander une autorisation particulière pour assister à la conférence. La police a ensuite accompagné Brody à son hôtel et l’a forcé à faire ses valises pour un vol prévu le même soir. Brody devait initialement quitter le Tchad le 4 octobre.
Ces actions de la police étaient très inhabituelles vu qu’au Tchad, les organisations tchadiennes et internationales tiennent fréquemment des conférences de presse et des tables rondes, sans difficulté ni autorisation préalable. En outre, ces organisations, y compris Human Rights Watch, publient régulièrement des rapports et communiqués. Cependant, les groupes de la société civile tchadienne et les journalistes ont signalé des cas de harcèlement et d’intimidation dans leurs activités quotidiennes lorsqu’ils s’expriment sur des cas de violations des droits humains.
La décision de bloquer la tenue de la conférence illustre à quel point certains responsables gouvernementaux font la sourde oreille aux critiques de la situation passée des droits humains dans le pays et refusent d’en tirer des leçons ainsi quà leurs promesses de compensation aux victimes, a déclaré Human Rights Watch.
« Le gouvernement devrait engager un dialogue positif avec les défenseurs des droits humains et les victimes des crimes commis par Habré afin de garantir leur réparation et, de manière générale, d’améliorer la situation des droits humains au Tchad », indique Tirana Hassan.
« Le gouvernement devrait soutenir le travail d’activistes tels que Reed Brody et Jacqueline Moudeina qui plaident pour la responsabilité des crimes graves commis au Tchad et au-delà, et nous espérons que notre relation constructive avec le gouvernement tchadien pourra se poursuivre. », conclut-elle.